lundi 6 février 2017

Grâce à l'aïkido


© Emma Jane Browne

Grâce à l'aïkido


«Tu vois toutes ces marques sur ton corps, ma Chérie, ce sont les empreintes de mon amour pour toi » me disait-il souvent avec fierté en ajoutant : « Ainsi tu ne peux pas me quitter ! Tu m’appartiens ! ».

Ce n’étaient pas des paroles en l’air. Car quand François aimait une femme, il l’aimait passionnément, je dirais même à la folie ! Je le savais pourtant déjà avant de devenir sa compagne. Oui mais voilà, je l’aimais, et quand on aime, c’est connu, on ferme les yeux. François avait déjà été condamné pour violences. Lorsqu’il avait tout juste 18 ans, son ex-petite amie avait eu le malheur de sortir avec son ami frère de l’époque, cela leur avait valu une belle raclée dont les marques étaient gravées à jamais dans leur chair. Jean l’avait trahi, ne savait-il pas qu’on ne devait pas toucher à ce qui lui appartenait ? A 35 ans, François se retrouva de nouveau au tribunal ; Rachel son ex-femme, avait porté plainte contre lui pour violences conjugales et maltraitance envers ses enfants. Lui clamait son innocence et disait qu’elle n’en voulait qu’à son argent. François était beau, riche, extrêmement séduisant, si populaire et moi... Je le défendais avec énergie, j’étais tout de même son avocate… Toute une histoire. 

Un an plus tard, nous étions mariés. Deux ans après, nous allions devenir parents et çà il ne le supportait pas! J’étais sa femme certes, mais pas encore « prête » pour devenir mère selon ses dires. Sa jalousie était hallucinante, je n’étais plus autorisée à faire un pas sans lui. Pour lui être agréable et éviter ses crises, j’allai jusqu’à quitter mon travail et rester à la maison pour m’occuper de lui mais surtout prendre soin de ce petit être qui grandissait en moi. Mais malgré mon état, il me battait quasi quotidiennement, tout était pour lui prétexte à la confrontation, rien n’était jamais à son goût. Il avait fait le vide autour de moi, je me sentais exclue du monde. Puis vint le jour où il me poussa dans les escaliers et que je perdis mon enfant... Ce fut la révélation, je pris enfin conscience de sa vraie personnalité et des mises en garde qui m’avaient été faites par ceux qui m’aimaient et je compris ce jour là que ma vie était en danger à ses côtés. J’eus alors une tout autre lecture de la version des femmes de son passé et décidai que le temps de me rebeller était enfin arrivé. 

François travaillait tous les jours de 9 à 16 h et regagnait sans tarder notre domicile. Suite à un week-end durant lequel je m’appliquais à lui être agréable pour mieux endormir son caractère soupçonneux. En son absence, je téléphonai à mon frère, pour qu’il vienne me chercher. Je pris bien soin de ne prendre que le strict nécessaire pour qu’il ne découvre pas trop vite mon départ. Armée d’un courage insoupçonné, je déposai une plainte contre lui et disparut dans la nature en m’installant dans une autre région. Je changeai de nom, d’adresse, de coupe de cheveux, d’habitudes et même de métier ! Je me mis au sport en choisissant je ne sais pourquoi l’aïkido. Une nouvelle vie commençait pour moi !

Mais un matin, en allant récupérer mon courrier, il était là devant moi avec un regard mauvais et indéfinissable, un sourire narquois sur les lèvres. Il m’avait retrouvée. J’eus le souffle coupé, mes mains se mirent à trembler et une sueur froide coula le long de ma colonne vertébrale. Je sus à cet instant que j’étais en grand danger. Sans un mot je fis demi-tour et en pénétrant chez moi pris rapidement mon bâton d’aïkido derrière la porte, François franchit prestement la porte à ma suite. Les mots du maître tournoyèrent dans ma tête :

- Inspirez. Méditez avant de passer à l’attaque. Votre posture doit être détendue, vous devez fendre votre adversaire comme si vous fendiez l’air. Inspirez. Levez le bâton. Expirez. Mettez-le à l’horizontale. Inspirez ……AAAAAAAttaquez !!!!

Et c’est ce que je fis lorsqu’après avoir éclaté d’un rire guttural, il tenta de me sauter à la gorge pour m’étrangler. François se retrouva inanimé au sol. 

- Allo ! Police……..

6 commentaires:

  1. Il l'a bien mérité. sinon je suis très sensible à ta description de la violence conjugale, sensible et juste.

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  2. Et Bim à plat le salopard! Il l'a bien cherché!

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  3. La Pauvre! J'espère que ça lui a servi de leçon à ce type! Non, mais!

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  4. Moi qui ne voyais que sérénité dans cette photo ... Dur dur ce texte mais très bien écrit, très bien décrit même. C'est beau ce courage qu'elle a eu.

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  5. Second texte du groupe qui évoque les violences faites aux femmes et la nécessité de savoir se défendre, physiquement et moralement. Devrions-nous faire faire de l'aikido à nos petites filles plutot que de la danse, comme elles révent ?
    Ton texte fait écho en moi, la fille d'une amie proie d'un homme violent. :(

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  6. Très beau texte. L'aïkido en plus de zénifier certains peut sans doute aider à en sauver d'autres, c'est tant mieux. En tous cas j'ai bien aimé ton texte, la montée de la violence et le retournement de situation. bravo

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