lundi 30 janvier 2017

L'arbre de la fécondité


L'arbre de la fécondité

© Anselme


Après quatre ans d’études non-stop en Angleterre, mon retour au bercail était programmé. 

Quelle ne fut alors ma stupeur en découvrant les portes closes et que je ne pouvais plus être accueillie dans la maison familiale nichée au creux d’un petit hameau de Normandie. Désemparée je me rendis au presbytère où Mr le curé m’apprit que depuis peu notre demeure était devenue un lieu de rassemblement pour femmes stériles désireuse d’enfanter à tout prix. 

Comment une telle chose était-elle possible ?
Le dernier amour en date de ma mère,sorti je ne sais d’où, l’avait vite convaincue que le poirier du fond du jardin avait un pouvoir magique, à savoir d’exaucer les désirs d’enfant. Je découvris alors que notre maison familiale reprenait vie chaque jour vers 9 heures . Après avoir accepté le café gentiment offert par M. le curé, je me dirigeais de nouveau vers notre maison. Quel ne fut mon étonnement à la vue d’une longue file d’attente de femmes de toutes origines devant notre portail !

Je remontai la file pour franchir la grille quand un homme aux cheveux hirsutes portant une longue barbe grise qui s’étalait sur sa poitrine vêtu d’une djellaba blanche me barra la route d’un ton autoritaire :
- Mlle, faites la queue comme tout le monde .
- Mais…
- Il n’y a pas de mais qui tienne !
- Je suis ici chez moi! Qui êtes-vous ? Où est ma mère ?
- Ahhhh ….. Vous êtes la fille d’Evelyne ? m’interrogea l’homme en bougeant la tête.
- Oui, pourrais-je la voir ?
- Attendez une minute ! Evelyne ma belle !…. La prunelle de tes yeux est enfin arrivée parmi nous. Mlle, suivez-moi, dit-il en s’inclinant vers moi. Les autres restez dehors !!!

Je pénétrai à sa suite dans le vestibule, tout était étrange, je ne reconnaissais plus rien. Tous les meubles avaient disparu, des mobiles argentés étaient suspendus au plafonds et cliquetaient au moindre vent, des statues étranges se trouvaient en évidence dans différents coins enveloppées par des volutes de fumée s’échappant de bâtonnets brûlant à leur pied. Une odeur indéfinissable flottait dans l’air donnant à l’ensemble un air d’étrangeté. Il y avait des femmes partout. Me postant à une fenêtre pour aspirer une bouffée d’air frais je crus apercevoir ma mère au fond de l’allée. Oui c’était bien elle, vêtue d’une longue tunique blanche, les cheveux au vent, un sourire indéfinissable sur les lèvres. Elle paraissait Zen, trop Zen à mon goût. J’eus le souffle coupé et m’exclamai à voix haute « C’est une secte ! » Je déglutis et pensais à m’enfuir mais elle m’aperçut et courut dans ma direction.

Elle me saisit dans ses bras en me susurrant à l’oreille « Ma chérie bienvenue chez nous, nous sommes maintenant au complet, il ne manquait plus que toi ; suis-moi je vais te présenter Giuseppe l’amour de ma vie. Sans lui je n’aurais jamais découvert qu’au fond de notre jardin, se trouvait un fabuleux trésor ! Viens je vais te le montrer.

Elle me conduisit jusqu’au poirier qui avait été planté là par mon père le jour de ma naissance, une cérémonie était en cours, des femmes vêtues de blanc faisaient une ronde autour de l’arbre en psalmodiant tandis que Giuseppe faisait des incantations et que d’autres femmes accrochaient aux branches des feuilles de toute couleur sur lesquelles étaient inscrits leurs souhaits et glissaient ensuite leur offrande dans une grande urne avant de s’en aller la tête baissée avec un sourire béat sur les lèvres. « C’est l’arbre de la fécondité, nous sommes connus dans le monde entier aujourd’hui, ta maîtrise de l’anglais nous rendra plus performants. »

A cet instant, j’eus un étourdissement, et je m’effondrai sur la pelouse. 

Je sentis une main sur mon épaule qui me secouait légèrement et entendit :
- Anaïs, wake up !! Your mother on the phone, she wants to talk you ; me dit Dorothy, ma colocataire anglaise.

Ouf ! Je n’étais pas encore partie d’Angleterre, demain je serai de retour à la maison.



6 commentaires:

  1. quelle drôle de rêve éveillé ?
    bien inspirée par cet arbre à voeux-
    amitiés-

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  2. Oh jolie chute ! Je me demandais comment se terminerait toute cette histoire un peu folle. Bravo.

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  3. hihihi, tu m'as bien eue ! je ne m'attendais pas du tout à la chute et déplorais déjà l'embrigadement de la mère dans une secte ! lol bravo ! Nady

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