lundi 6 juillet 2015

Une photo, quelques mots #183



La balade


© Vincent Héquet


Il était arrivé !

Eh oui ! Il était arrivé !

Il exécuta un tour complet sur lui-même. Son visage irradiait de lumière. Il trépigna de joie, haussa les genoux un après l’autre en une cadence de plus en plus rythmée, comme le ferait un athlète avant la course. Il leva les bras vers le ciel et poussa un long cri de victoire.

Le vent lui balayait le visage et lui ébouriffait les cheveux. Les effluves marines lui arrivaient par à-coup et lui emplissaient les poumons d’un air nouveau, comme pour lui insuffler une vie nouvelle et l’enivraient. Les vagues qui plissaient la mer de manière régulière, se glissaient jusqu’à la plage en un va et vient musical incessant, là elles éclataient en dentelle d’écumes au pied de la dune. Ce spectacle le fascinait.

Il avait osé ! Il avait réussi !

En ce lundi matin du mois de mars, à midi, la plage était déserte. Elle était tout à lui. Un sentiment fait à la fois de liberté et de domination l’envahit. Tout un panel d’émotions le saisit, il avait envie de rire mais aussi de pleurer. Il y avait si longtemps qu’il refoulait toute émotion qui se présentait à lui.

Il se mit torse nu et lança au loin son pull en laine, et au comble de l’excitation se laissa tomber sur le sable mouillé, admira un moment le ciel un peu gris malgré la présence du soleil qui ourlait d’or les nuages et mettait en valeur chaque élément de ce charmant tableau qui s’offrait à lui. Deux mouettes firent leur apparition au-dessus des flots, tantôt virevoltant, tantôt se laissant porter par la brise ou encore plongeant brusquement dans l’eau à la recherche de quelque nourriture. Tout au lointain, on pouvait deviner la voilure d’un bateau en route vers une destination inconnue.

Pour se calmer, il s’allongea sur le sable humide, tous les sens en éveil. Quelques herbes épaisses lui piquetèrent le dos, lui rappelant ainsi qu’il était bien vivant. Il saisit à pleines poignées du sable qu’il fit crisser entre ses doigts. Ainsi aplati sur le sol, réchauffé par le soleil, il sentit alors combien il était un infime élément de cette nature. Il demeura ainsi, sans plus bouger, ce qui lui paru une éternité, ouvert au moindre son, à la moindre odeur, percevant des sensations oubliées et accueillant des nouvelles. En cet instant tout n’était qu’harmonie. Il était vivant. Il était libre.

Le soleil qui commençait à se cacher derrière la mer et le froid qui lui engourdissait les membres l’obligèrent à se lever pour entamer le chemin à l’envers.

Arrivé enfin à la nuit tombée au bout de sa rue, quelle ne fut sa surprise de voir un déploiement des forces de l’ordre tout autour de la prison. Sans sourciller, il continua sa route en sifflotant. Quatre bras robustes le saisirent tandis que deux mains le menottèrent sans ménagement. Il fut traîné jusqu’au bureau de la direction de la prison où l’attendait également son avocat qui en le voyant s’explosa :

- Andréas, Vous avez perdu la tête ? Vous êtes là depuis dix ans et il ne vous restait plus que trois mois. C’est de la folie…..

- Mais me voilà, Maître, je suis revenu. Il faisait si beau, la porte était ouverte, je suis parti… Et devinez quoi ! J’ai pensé à vous, je vous ai ramené des petits coquillages et ce gros-là, c’est pour mes copains de cellule, ils pourront ainsi écouter la mer……

6 commentaires:

  1. quelle drôle d'idée ;-)
    l'attrait de la mer fait commettre bien des folies...

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  2. J'aime beaucoup ton texte, ce besoin urgent de liberté, d'espace ...

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  3. Un beau texte pour illustrer une belle image ... En tout cas, j'adore ta chute !

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  4. Excellent, tout est dans la chute, on se fait bien avoir ! BRAVO

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  5. Joli texte qui rend bien l'euphorie qui envahit le personnage.
    Et quelle chute!! très chouette!

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  6. Vraiment très bien écrit. Beaucoup de talent par ici.

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