lundi 23 mai 2016

Délivrance

© Vincent Héquet
© Vincent Héquet


Elle posa ses mains moites sur la rampe de l’étroit escalier qui menait au grenier. Elle hésita à mettre le pied sur la première marche. Sa vue se brouillait, elle tremblait de tout son corps et une sueur froide glissa au ralenti le long de sa colonne vertébrale. Sa respiration devint saccadée, une main rassurante se posa sur son épaule et une légère pression lui donna la force de faire le premier pas. Son souffle devint plus régulier et elle put entreprendre l’ascension de ce petit escalier qui aboutissait à une étroite porte sombre qu’elle voyait immense dans son souvenir.

La main posée sur la poignée, elle se sentit défaillir, elle marqua un long temps d’arrêt. Enfin, les yeux fermés, doucement elle poussa la porte qui gémit en un crissement devenu pour elle familier et qui eut pour effet de lui glacer le sang. Pour le coup, elle eut envie de s’enfuir, mais elle se ressaisit. Une odeur de renfermé et de poussière agressa ses narines, son cœur s’emballa, elle respira pleinement pour reprendre le contrôle de ses émotions et enfin décida d’ouvrir les yeux.

La pièce baignait dans une lumière blafarde qui passait par les carreaux sales de la fenêtre du toit au bas de laquelle une araignée avait tissé sa toile. Les lieux se trouvaient dans le même état que le jour où on l’avait enfin délivrée. Une vieille chaise avec une cordelette au sol, celle-là même qui avait servi à lui lier les mains et les pieds, la table en fer forgé sur laquelle un repas frugal lui était déposé chaque jour gisait sur le sol. Des feuillets étaient éparpillés çà et là, les murs étaient couverts de morceaux fort défraîchis de papier peint, une vieille veste pendouillait sur une étagère. Léna se contenta de demeurer sur le pas de la porte et de ses yeux écarquillés, elle balaya la pièce.

Un mois de sa vie était resté là, dans cette pièce sinistre. Elle avait été séquestrée à l’âge de douze ans par son voisin le plus proche, un papy que personne ne pouvait soupçonner. Il était si avenant, si serviable, il avait même proposé ses services et participé aux différentes recherches qui avaient été entreprises dans le village pour la retrouver. Il n’avait jamais ménagé ses efforts ni relâché sa vigilance.

Léna n’avait été retrouvée que par le plus grand des hasards. Papy était demeuré invisible durant toute une journée et à la nuit tombée, sa porte ouverte et sa maison plongée dans le noir avaient interpellé plus d’un. Des voisins attentifs s’inquiétant de sa santé l’avaient trouvé allongé inanimé au seuil de la porte ouverte du grenier, victime d’un malaise cardiaque, avec ... Léna, fantomatique, attachée sur une chaise.

Aujourd’hui, en faisant ce retour en arrière Léna, accompagnée de sa thérapeute, essayait de conjurer les cauchemars qui depuis l’habitaient.

3 commentaires:

  1. Quel cauchemar en effet ! Tu parviens à fort bien restituer l'effroi et l'horreur de cette situation.

    RépondreSupprimer
  2. Décrire le côté obscur de l'humain, sa folie, ses horreurs. Nous voilà donc avec un point commun ;-) Très beau récit, bien construit et tenant le lecteur en haleine jusqu'au bout. Bravo.

    RépondreSupprimer
  3. C'est vraiment une des premières impressions qui accompagne cette photo, surtout due à ce morceau de corde associé à cette chaise.....Tu as eu le courage d'aller de belle façon au bout de l'horreur de ce sinistre fait divers. il y a "pendant" et aussi "après"....Je n'ose même pas penser au nombre de traumatismes subis par cet enfant....J'espère que c'est une résiliente....

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...