lundi 12 octobre 2015

Une photo, quelques mots 191


© Kot
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Soupçons


Papy avait toujours été pour moi un personnage très mystérieux, voire sinistre. Enfant, je croyais même qu’il était un vampire. Tout son être transpirait la froideur. Il était longiligne, peu loquace, toujours revêtu d’une longue cape noire flottant au vent. Il avait un long nez busqué et le crâne dégarni couronné de-ci, de-là de quelques longs brins de cheveux gris et sur son cou était tatoué une énorme araignée noire elle aussi. Son teint était blême… si blême que dans l’obscurité, on pourrait le croire phosphorescent. Papy sortait toujours à la nuit tombée et à la même heure pour de longues balades nocturnes.

On habitait sur la 7ème avenue, au numéro 632. C’était une rue bien paisible jusqu’à l’arrivée de Papy chez nous. Depuis les gens nous disaient à peine bonjour, ils se montraient craintifs à notre égard. Même mon meilleur copain Darren qui demeurait dans l’immeuble en face du nôtre était devenu distant. Il ne venait à la maison que lorsqu’il avait vu Papy franchir la grille donnant accès au parking et s’enfoncer dans le long couloir sombre.

Un jour je finis par lui demander la raison de sa manière de faire. Après beaucoup d’hésitations et de bafouillages Darren m’avoua avoir vu lors de la dernière nuit de pleine lune mon grand-père derrière la grille en provenance du parking, il traînait péniblement deux énormes sacs. Il avait un air étrange. Je lui répondis que mon grand-père avait quand même le droit de jeter les poubelles ! Et là, il ajouta que Papy avait chargé ces sacs dans une vieille fourgonnette tout en jetant des regards furtifs à la dérobée puis avait disparu dans la nuit. Le lendemain matin, il avait vu d’étranges tâches rougeâtres devant la grille. Et de conclure « Ton Papy est sûrement un tueur »… « Le tueur de la pleine lune que l’on recherche partout….».

Ce soir c’est la pleine lune et Halloween de surcroît. Profitant de cette ambiance de fête pour masquer notre absence, nous voilà Darren et moi-même, déguisés et planqués derrière un bosquet près de la grille attendant la sortie de Papy. Ce soir nous saurons véritablement qui est mon grand père car nous mènerons l’enquête, nous le suivrons. Nous étions sûrs qu’il allait passer à l’acte une fois de plus.

Les grilles s’ouvrirent en un grincement qui nous glaça le sang pour laisser passer Papy. Sa grande cape se gonflait telle une voile lui donnant ainsi un air de chauve-souris. Nous le pistions de loin.

Papy marcha longuement à travers les rues de la ville, croisant çà et là des groupes d’enfants déguisés auxquels il donnait des bonbons qu’il tirait de sa grande poche. Puis il s’arrêta enfin sous un porche, il alluma une cigarette et semblait la fumer avec délices tout en regardant autour de lui. Qui attendait-il ? Nous étions au garde à vous. Puis regardant sa montre, il franchit les quelques marches et pénétra dans un immeuble cossu, c’était un petit hôtel. De la rue nous le vîmes enlevé sa cape, la suspendre à un porte-manteau puis passer derrière un grand comptoir. Quelqu’un descendit l’escalier intérieur et vint lui parler puis lui remit une clef avant de sortir … Nous restâmes planqués là encore et encore avant de découvrir que Papy n’était en fait que le gardien de nuit de ce petit hôtel.

6 commentaires:

  1. Sont-ils déçus? Symathique enquête de ces petits enfants !

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  2. Une fin innatendue pour ce pauvre papy. J'ai lu cette nouvelle avec envie d'en savoir plus sur ton personnage. Bravo pour la chute.

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  3. C'est mignon en tout cas ! Qu'est-ce qu'on peut imaginer quand on est petit ! :) C'est chou.

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  4. j'aime bien ton histoire de papy et de rumeurs :-)

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  5. C'est un peu triste, d'avoir peur de son grand-père. C'est vrai que les enfants s'inventent parfois des trucs comme ça.
    NB : au fait, y avait quoi dans les gros sacs ???

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