lundi 21 septembre 2015

Atelier d'écriture : 188ème

© Julien Ribot
© Julien Ribot

La maison du Bonheur


- Allo Chéri !

Je perçois dans la voix de ma femme une joie pétillante et communicative.

- J’ai pour toi une surprise continue-t-elle. Je viens te chercher à l’aéroport et t’emmène la découvrir. J’ai hâte déjà d’y être.

Je raccroche, l’air pensif. Qu’a-t-elle encore imaginé ? La vie avec elle est un vrai tourbillon.

Je replonge dans mes dossiers.

A l’aéroport, elle est là, trépignant d’impatience. Après un rapide baiser de bienvenue, elle m’entraîne dans la voiture sans cesser de papoter. Je ne l’écoute que d’une oreille, la fatigue du voyage ajoutée au bercement de la voiture me fait glisser dans une sorte d’engourdissement d’où j’émerge de temps à autre pour découvrir çà et là des morceaux de paysage. Où m’emmène-t-elle ? Je n’ai pas la force de le lui demander, je me laisse conduire.

Soudain, elle ralentit, s’engage avec précaution dans un petit chemin pierreux et s’exclame : « On arrive ! ». Je me redresse sur mon siège…. Bizarre ! Le lieu me paraît familier, je me frotte les yeux, je dois rêver sans doute. Elle s’arrête sous un grand tilleul qui déverse son ombre sur une vieille bâtisse aux volets clos qui semble sortir d’un autre âge.

- Voilà la maison de nos rêves, qu’en dis-tu ? … Il y a du travail, mais nous allons être bien ici pour créer notre grande famille…. Je suis sûre que tu vas être de mon avis. Il y a si longtemps que nous cherchons…

Je ne l’écoute plus, je descends de la voiture, je suis pétrifié, je vais me réveiller, je tourne sur moi-même, c’est le choc. Les souvenirs m’envahissent, j’entends nos rires en cascades, revois nos courses folles dans la campagne à la recherche de papillons puis l’accueil généreux de Mamie sous le tilleul autour d’un goûter où se mêlaient des odeurs de miel et de gâteau, avec des confitures dont le goût me revient soudain à la bouche. Je me souviens de nos bagarres. Je sens la brise chaude de l’été me réchauffer les joues tandis que flotte dans l’air le parfum du chocolat que préparait Papy, chocolatier de son état. Et me parvient en même temps que le chant des oiseaux sa voix si rassurante nous racontant la vie.

Je regarde ma femme sans comprendre, et elle en fait de même. Elle ne sait quoi penser. Je sens un brin d’inquiétude frémir en elle!

Je la prends tendrement par la taille, l’entraîne sous le vieux banc devant la porte close et lui raconte. Je lui raconte toute mon enfance, vacance après vacance, ici, chez mes grands parents avec mes frères sœurs, mes cousins et cousines, une maison bruissant de mille sons, de complicités et débordant de souvenirs. Puis Mamie s’en était allée, Papy, lui n’avait pas supporté son absence et l’avait suivie. Leurs enfants avaient fermé les lieux et vendu la maison. Nous les petits enfants étions consternés, notre enfance avaient pris fin à ce moment, ici. La famille s’était éclatée et j’avais effacé de ma vie ces souvenirs et ce lieu. Comment est-ce possible !

Mamie et Papy me faisaient aujourd’hui un clin d’œil malicieux comme ils savaient si bien le faire, c’était comme s’ils me serraient dans leurs bras. A cette pensée, je sentis comme un frôlement sur mon épaule. Ils me confiaient ce lieu où ils avaient été si heureux.

OUI ! OUI ! OUI, ma Chérie, c’est ici que nous vivrons.

5 commentaires:

  1. Parfois, le hasard fait bien les choses. Une histoire qui fait plaisir à lire

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  2. Un couple en osmose parfaite, jusque dans les souvenirs et l'imaginaire.
    Un bel amour fusionnel bien raconté et qui fait envie.

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  3. Ton texte m'a donné des frissons !
    C'est une jolie histoire :)

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  4. Waouuu ! trop beau texte ! ils étaient faits pour ce rencontrer cet homme et cette femme ! quelle drôle de coïncidence ! Nady

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