lundi 29 juin 2015

Ecriture : Une photo, quelques mots #182


Texte écrit pour l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots organisé par Leiloona sur son blog.
N'hésiter pas à aller lire les textes des autres et également à y participer la prochaine fois ;) !

© Vincent Héquet
© Vincent Héquet

La nuit des « Mal finis »


Ce soir-là le ciel était bas, lourd et d’une noirceur d’encre. Nous étions au solstice d’hiver, jour symbolique pour tous les jeunes gens de ce petit village breton qui renouait annuellement avec une légende venue de la nuit des temps.

Mais ce soir-là était particulier car tous les cents ans, il était dit qu’à minuit les menhirs allaient boire au ruisseau tandis que les sorcières s’égayaient aux alentours. Cette nuit s’appelait « La nuit des mal finis », et malheur à celui qui n’avait pas quitté les lieux à leur retour. Pour l’occasion, les habitants avaient coutume de laisser devant l’entrée de leur maison un balai renversé afin que les sorcières ne soient pas à court de moyen de locomotion et n’aient envie d’établir leur demeure au village pour les années à venir.

Tous les villageois avaient revêtus leurs costumes traditionnels et se réunirent au lieu dit « trou au diable » non loin de la plaine du menhir pour assister au rite d’initiation de leurs jeunes gens. Il consistait à plonger nu dans l’étang glacé. Celui qui y demeurerait le plus longtemps serait déclaré Homme de l’année et le plus viril de la communauté.

Aujourd’hui, la cérémonie était présidée par le doyen, le vieil Archibal, à l’âge canonique de 98 ans. Il avait en son temps caressé le rêve d’être lui aussi homme de l’année. Pour l’occasion, il avait revêtu la grande cape noire de cérémonie, le couvre-chef en corne de cerf et portait le sceptre doré à la main. Il avait la charge de tous les remettre au vainqueur.

Au son du cor, tous les jeunes gens plongèrent dans l’étang glacé, les minutes passaient et personne ne remontait. Un silence menaçant parcourut la foule, les minutes s’égrenaient … et s’égrenèrent, encore et encore et personne ne remontait. L’angoisse devenait palpable. Une interrogation germait dans toutes les têtes. Et si le menhir venait vraiment boire ici ?

Soudain une lueur parcourut tout l’étang comme s’il s’embrasait d’un coup. Un nuage phosphorescent s’éleva alors vers le ciel éclairant la nuit sombre.

Se faisant écho, un même cri jaillit des bouches des femmes: « Où est mon fils ? » et la panique tétanisa la foule.

Puis les jeunes apparurent tous, ensemble, transis de froid, claquant des dents, mais en vie. Des cris de joie s’élevèrent de l’assemblée puis ce fut le délire et Archibal fut déclaré homme de l’année, alors dans le lointain une cascade de rires gutturaux se fit entendre tandis que des feux-follets s’élevaient çà et là de la plaine aux dolmens.

En ce soir unique, l’émotion avait atteint des sommets, aussi chacun s’empressa de retourner à son logis poussé par le vent glacial. Quel ne fut alors leur étonnement de constater que tous les balais avaient disparu.


7 commentaires:

  1. C'est frais et léger cette légende contée sur ce ton guilleret, et puis l'eau bien fraiche par ce temps de canicule, ça fait du bien !
    Bises

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  2. Joli titre. Je me demande si tu as tout inventé, car ça parait très vraisemblable.

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  3. Il n'y a qu'une chose qui me surprend, Archibal est élu homme de l'année. Il a plongé, lui aussi, dans l'eau glacée ? Alors qu'il présidait la cérémonie ?
    A part ça j'aime beaucoup cette histoire, elle est jolie et bien écrite. :)

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  4. Non il n'a pas plongé, mais comme cette année là, les jeunes sont tous remontés en même temps, il n'y a pas eu de grand vainqueur. Et comme Archibal espérait ce prix ben j'ai fait de lui le gagnant par défaut !
    Merci en tout cas pour vos appréciations ;) !

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  5. D'accord, je comprend mieux maintenant. :)
    Bonne continuation !

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