lundi 11 mai 2015

Ecriture : "Une photo, quelques mots" #175


Atelier d'écriture organisé par Leiloona sur son blog, n'hésitez pas à découvrir les textes des autres ;).


© Romaric Cazaux
© Romaric Cazaux

Le scoop !

C’est magnifique me direz-vous, New-York la nuit ! Quelle vue imprenable ! Voir toutes ces lumières allumées, ces millions de personnes, qui y vivent ! Ces touristes qui en font leur deuxième destination après Paris ! Sur le plan architectural, ces gratte-ciels ont fait sa renommée !

Bah ! Moi j’y habite et je peux vous dire que ce n’est pas ce rêve américain qu’on ose vous vendre à travers des séries et autres conneries cinématographiques. New-York est une immense jungle où les gens se bouffent entre eux pour réussir ! Et malheureusement j’en fais désormais partie !

Je suis journaliste au Daily News. Oups ! J’ai oublié de préciser journaliste pigiste. J’ai longtemps eu le rêve d’être rédacteur et d’avoir ma propre chronique ; mais pour réussir (je cite) « Il faut écraser » me disait mon chef, « Tout n’est pas une question de hasard », autrement dit il faut être fort pour régner. Pour avoir la promotion que je souhaitais, il voulait que je fasse du sensationnel, du « scoop », du « buzz ». Etant un être pétri de valeurs, profondément honnête et respectueux, trop gentil pour « écraser les autres », j’échouais lamentablement dans toutes les tentatives que je réalisais, et lui, n’hésitait pas à me regarder de haut et de m’humilier en retour. Mais ce soir, je serais un autre homme. J’ai un scoop !

Je commençai à me vêtir et me regardai dans la glace. Chemise à col blanc et cravate, veste noire, boutons de manchettes dorés, parfum bon marché, chaussures bien cirées, l’élégance la plus totale. Et hop ! Je décidai de passer à l’action ! Ce soir se déroulait à l’hôtel de ville, la cérémonie d’investiture du nouveau député maire de New-York, Wallington Ashley (Ash pour les intimes). J’ai insisté fougueusement – en gros j’ai fait le parfait lèche-cul de service- auprès de mon chef pour faire partie des petits chanceux qui auraient l’occasion de l’interviewer. Mon chef devait également y assister en tant qu’invité d’honneur.

Alors qu’il était assis sur son trône face aux caméras, il m’aperçut et j’eus droit de sa part  à un discret salut de la main. Monsieur était un notable connu, un homme respectable pour l’opinion publique… Mais clairement pas pour longtemps… Je me trouvai en face de lui, dans le carré réservé à la presse avec Brad mon caméraman qui n’était pas du tout au courant de mes desseins.

Monsieur Wallington tenant affectueusement son épouse par la main fit son entrée tout sourire, il était accompagné de son comité de soutien au grand complet. Il était là tel un guerrier victorieux et triomphant. Sous un tonnerre d’applaudissements de fans excités et de cris de joie incessants Monsieur Wallington s’adressa d’une voix assurée à un public tout acquis à sa cause. Son discours dura environ une cinquantaine de minutes dans un silence religieux. La parole changea de camp et ce fut au tour des journalistes de poser leurs questions. Ces derniers se levèrent tous comme un seul homme ; tous debouts…. sauf moi. Pour ma part, j’attendais le moment opportun. Une kyrielle de questions fusa. Ash ravi leur répondit avec simplicité, courtoisie, et même un semblant d’humilité. Ce fut enfin à mon tour de prendre la parole. Tous les yeux étaient rivés sur moi. Je me raclai la gorge et prit la parole d’une voix claire et assurée. Je me présentai élogieusement comme journaliste du Daily News, mon chef tout à l’écoute fit un clin d’œil de fierté accompagné d’un petit hochement de tête à l’attention du député maire, qui lui sourit à son tour.

-         « Monsieur Wallington…prononçai-je, nous savons tous que vous avez une affinité pour la culture Irlandaise et que chaque année vous participer aux manifestations données pour la Saint Patrick. Pouvez-vous nous dire ce que vous faisiez avec  Diana Craig, la femme de mon chef ici présent, au Sheen Falls Lodge Hôtel pour le week-end du 1er mai, vous y avez loué qu’une chambre où vous êtes restés enfermés  durant trois jours ?

Ma question eut le même effet qu’une bombe. La salle toute entière semblait avoir perdu le souffle, manqué d’oxygène…Puis un murmure allant  s’amplifiant, tel un tsunami, emplit tout l’espace, tout ne fut qu’indignation, cris, cahot, tandis qu’une image de Monsieur Wallington embrassant langoureusement Diana Craig dans le jardin du Sheen Falls Lodge Hôtel apparaissait sur le grand écran monté pour l’occasion derrière le podium.

STRIKE ! Le scoop, je l’avais,  et je palpais ses conséquences, je jubilais, je trépignais……..
Brusquement, je fus saisi par les deux bras et soulevé de terre puis violemment secoué. Maintenant c’est moi qui n’avais plus de souffle.

Mais, devinez un peu ce qu’il advint de moi?
Aujourd’hui je suis éditorialiste au New York Times avec accroché au mur de mon spacieux bureau cette photo de  NewYork  prise la nuit de mon exploit.
Et vous avez sûrement deviné que désormais, je suis fier d’être New-Yorkais !

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