© Marion Pluss |
La main tendue
L’allure altière, le pas rapide, un sac plaqué sur le dos, des écouteurs aux oreilles un léger sourire sur les lèvres, elle avançait en direction de la station du bus.
Comme à l’accoutumée, à cette heure de jeunes collégiens s’étaient affalés sur le banc de l’abri et s’esclaffaient à la vue des passants en lâchant des propos désobligeants.
En la voyant s’approcher, ils s’exclamèrent : « Toi noiraude, retourne d’où tu viens». La jeune fille fit mine d’ignorer l’attaque et s’appuyant contre l’abri continua à écouter sa musique qui semblait l’isoler du monde. Pourtant elle ne perdait pas de vue qu’elle était elle aussi l’objet de leurs plaisanteries blessantes. Une d’entre elles, petite et teigneuse qui paraissait être la meneuse, se montra ce jour-là particulièrement virulente. En s’approchant tout près de sa victime, sa bouche explosa en mots violents pour lui intimer qu’elle n’avait ni sa place en ces lieux ni non plus dans ce pays. Ses amis jubilaient et applaudissaient, les adultes présents s’éloignèrent quelque peu, sans voir ni entendre. La jeune femme prise à partie, pour sa part, les ignora. L’arrivée du bus mit fin à cette scène absurde, le groupe s’y s’engouffra avec fracas laissant là la jeune fille.
16 heures, les pompiers slaloment toute sirène hurlante. Une adolescente agressée devant ses camarades dans l’enceinte de son collège est conduite inanimée vers l’hôpital. Aux urgences elle est rapidement prise en charge puis placée en observation.
Après un temps qui sembla paraître une éternité, elle essaye d’ouvrir les yeux en sentant sur son front une main fraîche et douce et en percevant une voix musicale presque irréelle lui parler.
Sa tête lui fait mal à exploser, elle a mal au côté, n’arrive pas à ouvrir les paupières, cependant la voix mélodieuse l’encourage et elle essaie, encore et encore. Elle somnole mais ressent toujours cette présence qui l’apaise. Tantôt avec une main sur son front tantôt sur sa main.
Ses yeux s’ouvrent enfin, un léger filet de lumière s’infiltre entre ses cils, elle regarde tout autour d’elle en lâchant un « Où suis-je ? » Et la voix de lui répondre : « A l’hôpital, vous avez été agressée»
Elle s’accroche à cette voix qui lui fait tant de bien et cherche le visage qui correspond à cette voix…. Et là, reconnaît la jeune fille qu’elle agressait quasi quotidiennement à la station de bus. Sa bouche s’ouvre puis se referme. Les souvenirs lui reviennent, elle fait une grimace de douleur, se tourne vers le mur, une larme jaillit au coin de son œil. Elle revoit la scène, un jeune homme qui s’approche, qui l’interpelle violemment, ses amis qui s’enfuient, il l’attrape par l’épaule, la secoue, elle essaye de riposter et la douleur dans les côtes, ce coup de canif…. elle s’écroule, ne se rappelle de rien et ce réveille ici …. Avec à ses côtés celle qu’elle a tant vilipendé avec ses copains et cela gratuitement, juste pour s’amuser.
Aujourd’hui, Gaëlle s’est remise physiquement de son agression, mais ne veut plus retourner au collège, elle a peur, si peur. Sonia, la noiraude, infirmière de son état, l’a accompagnée durant son séjour à l’hôpital. Toujours à l’écoute, toujours d’humeur égale, le sourire aux lèvres, disponible. Aujourd’hui elle est là avec elle dans la cour, Gaëlle l’a voulu, ses amis sont là aussi, une cellule psychologique a été mise en place pour l’aider à reprendre le cours de sa vie de collégienne. Sur les lieux de l’agression, ils font un cercle et se tiennent par la main, , elle glisse sa main dans celle de Sonia et ferme les yeux, un sentiment de sécurité l’envahit, la confiance circule, une amitié se solidifie ici, un nouveau départ est possible, un léger sourire illumine son visage.
Un texte vraiment très émouvant, très simple mais juste et c'est ce qui le rend vraiment très beau. Merci pour ce moment passé.
RépondreSupprimerUn texte fort ... voici bien longtemps que je n'avais pas entendu ce terme de "noiraude" et heureusement ... il est tellement dénigrant.
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