lundi 22 juin 2015

Une photo, quelques mots #181


© Marion Pluss
© Marion Pluss


Une affaire bien menée


Assis côte à côte sur une banquette du métro, deux petits vieux ainsi chuchotaient :


- Adé, tu te rappelles exactement de ce que tu dois faire ?


- Tu me prends pour une sénile ou quoi ?


- Adé, mais parle moins fort, on va t'entendre !


- Voilà, je vais voir Michèle, à son épicerie fine, je lui parle de nos problèmes de couple, puis je lui fais des tas de petites confidences croustillantes comme elle les aime sur nos jeunes voisins pendant que toi, tu resteras sagement assis sur le banc d'en face, les yeux fixés sur sa boutique. Comme à l'accoutumée, elle me proposera un de ses délicieux thés, j'éteindrai le signal de la porte d'entrée, avant de la rejoindre à l'arrière boutique. Ensuite, nous reviendrons dans la boutique pour attendre le client. Là, je simulerai un léger malaise et lui demanderai d'aller me chercher un "Doliprane". En son absence, en guise de sucre je verserai dans sa tasse, un puissant laxatif. A son retour, nous reprendrons notre conversation à bâtons rompus tout en dégustant notre thé. Elle sera alors prise de violentes coliques. Compatissante, à mon tour, je lui viendrai à l'aide en l'accompagnant aux toilettes, de peur qu'elle ne tombe en syncope. Dès que j'aurai disparu au fond du couloir, c'est à ce moment que nous utiliserons les portables jetables que nous avons achetés pour l'occasion. Je te biperai sur le tien, alors tu pénétreras dans la boutique, tu videras la caisse sans oublier de prendre au passage du champagne et du caviar pour fêter notre réussite ce soir. Pour ma part, je resterai pour l'aider et la soutenir jusqu'à la fermeture de la boutique. Bien entendu je n'oublierai pas de remettre en marche discrètement la sonnerie de la porte d'entrée. Elle ne me soupçonnera pas puisque je ne l'aurai jamais quittée. De plus, n'oublie pas que je suis sa mère, que nous sommes ses parents. C'est bon, Pierrot, je n'ai rien oublié? Tu es rassuré?


Levant la tête, un sourire sur les lèvres, Pierrot dit à sa femme :
- Parfait ma chérie ! C'est à cette station qu'on descend.

Ils se levèrent à l'unisson, grimpèrent péniblement les marches qui les menaient à l'extérieur. Après un tendre échange de regards, ils se séparèrent, déterminés, pour leur mission respective


A la nuit tombée, Adé regagna son domicile à petits pas, fatiguée, mais le cœur gonflé de joie. Tout s'était passé comme prévu, ils avaient réussi et la croisière dont ils rêvaient tout deux depuis longtemps devenait enfin réalité. Comme convenu avec Pierrot, en passant sur le pont elle n'oublia pas de jeter le portable dans le fleuve, Pierrot avait fait de même. Elle ouvrit la porte de leur appartement qui était plongé dans le noir. Un mauvais pressentiment la saisit, elle pressa l'interrupteur, la lumière jaillit et elle aperçut sur la table une enveloppe rouge à son nom. Elle s'en empara et l'ouvrit avec fébrilité, aux premières lignes ses jambes flageolèrent et elle se mit à trembler

Ma Chérie,

Je ne te supporte plus, j'étouffe, j'ai besoin d'horizons nouveaux, aussi avec les mille euros de la caisse et nos petites économies, j'ai décidé de partir en voyage avec notre jeune boulangère. Bisous

7 commentaires:

  1. Fichue boulangère ! Ah on s'en méfie depuis ... C'est Pagnol, non qui l'évoqué ? J'ai un petit trou de mémoire.
    En tout cas, une chute à laquelle je ne m'attendais pas.

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  2. Un "a" juste avant "évoqué" s'est perdu ...

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  3. Hé oui...c'est un texte qui surprend ;) !

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  4. Extra, ces parents terribles !
    J'adore cette histoire de vieux, pas du tout ratatinés, bien loin de l'image que certains ont de leurs parents âgés!
    Tu as écrit une vraie nouvelle !

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  5. Ahahah ... j'adoooore !
    Une histoire bien amenée, et une chute très inattendue !

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  6. J'ai ri ! j'ai honte mais j'ai ri ! c'est excellent !

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